Dossier retraites : la régression ne passera pas


Le gouvernement vient d’annoncer un projet de loi qui prévoit le report de l’âge légal de la retraite à 64 ans et une augmentation, plus rapide que prévu, de la durée de cotisation jusqu’à 43 ans.

Tous concernés : en âge mais aussi en durée !

Comme c’est souvent dit dans les médias, pour tous, l’âge légal de départ passe à 64 ans. En pratique il augmenterait de 3 mois tous les ans jusqu’en 2030 l’âge devient 64 ans. Cela pénalise en priorité les femmes ayant eu des enfants et les salariés avec une carrière longue.

Ce qui est moins dit c’est que tous les salariés nés entre 1961 et 1972 devront cotiser plus longtemps, plus précisément entre 1 et 3 trimestres supplémentaires (1 trimestre pour les années 1961, 62, 70, 71, 72, 2 trimestres pour 1963, 64, 67, 68, 69 et 3 trimestres pour 1965, 66) Source, Dossier de Presse.

Pas un problème de financement

Le gouvernement prétend qu’il faut impérativement faire des économies car le système serait en déficit. Et pourtant le système de retraites est en excédent de + 3,2 Milliards d’euros pour 2022.1

En fait les gouvernements successifs organisent volontairement le déficit les retraites. Les exonérations de cotisations sociales représentent 70 Mds d’euros (source LPSS 2022) soit 3 fois plus que les futurs déficits des retraites prévus dans 20 ans et dans les pires des scénarios (Source Rapport du COR 2022). On peut aussi comparer le déficit aux sommes d’argent du « quoi qu’il en coûte », estimées à 240 milliards d’euros … plus de 10 fois les pires déficits prévus pour les retraites !

Il est donc évident que si le gouvernement le décidait, le financement serait trouvé rapidement.

Les vraies raisons

Une raison de fonds est celle de toutes les réformes néolibérales : affaiblir le système public pour le remplacer petit à petit par le privé. Et ça marche ! Le montant alloué par l’ensemble des Français aux dispositifs privés d’épargne retraite a doublé entre 2005 et 2020 (Source DREES)

Une autre raison est de faire plaisir aux patrons des grandes entreprises qui exigent toujours plus de bénéfices au détriment des cotisations sociales.

Pension minimale … sous-conditions

Pour faire passer les régressions, le projet de loi prévoit une pension minimale de 1200 euros brut, ce qui serait indéniablement un progrès. Cela dit, pour avoir cette pension minimale il faut avoir une retraite pleine et entière, ce qui veut dire notamment avoir cotisé 43 ans (pour tous ceux nés après 1965). Cela va devenir de plus en plus dur avec l’augmentation de l’âge de départ et de l’augmentation de la durée de cotisation, plus rapide que prévu. Actuellement les plus petites pensions sont justement celles des salariés qui ont eu une carrière incomplète, souvent des femmes, qui ne bénéficieront donc pas de ce nouveau minimum.

Retraite et emploi des seniors

Le gouvernement veut nous faire travailler plus longtemps, mais encore faut-il avoir un emploi ! Fin 2021, seuls 35,5 % des 60 à 64 ans avaient un emploi. Pour lutter contre cela le gouvernement dit qu’il va mettre en place un « index senior » que les entreprises seront obligées de publier, cela pour les inciter à embaucher plus de « seniors », mais aucune sanction n’est prévue. Les salariés aussi aimeraient bien être « incités » à travailler plus mais qu’aucune sanction ne soit prévue !

La guerre aux pauvres

Fidèle a sa réputation de gouvernement qui agit contre les pauvres, les mesures de cette réforme des retraites touchent d’abord ceux qui ont le moins fait d’étude et ceux qui, par leur situation de pauvreté, ont l’espérance de vie la plus faible. 25 % des hommes les plus pauvres sont morts à 62 ans ! (Source INSEE). Enfin une grande partie des petites retraites concerne des femmes avec des carrières incomplètes, qui ne toucheront donc pas la pension minimale (cf. ci-dessus).

Passage en force

80 % des Français et tous les syndicats sont contre cette réforme, mais le gouvernement a manifestement décidé de passer en force. Pour cela il essaie de faire passer des éléments de langage mensongers « réforme justice », « protéger les plus fragiles », c’est-à-dire exactement l’inverse de la réalité de ce projet de loi.

Le coin des mensonges

Les mensonges ou phrases trompeuses du gouvernement au sujet de la réforme sont tellement nombreuses qu’on ne peut pas tout détailler. Voici déjà quelques mensonges dénoncés :

«  Pas d’autre solution pour financer » : FAUX

La CGT propose :

  • de mettre vraiment le salaire des femmes au même niveau que celui des hommes. Cela rapporterait + 4 milliards de cotisations sociales par an.
  • d’augmenter les salaires, par exemple 5 % d’augmentation de salaire c’est +12,5 milliards de cotisations supplémentaires

« La pénibilité est prise en compte » : FAUX

Le gouvernement est mal placé pour parler de pénibilité : dès 2017, il supprimait 4 critères de pénibilité sur 10, rendant ridiculement faible le nombre de salariés pouvant bénéficier d’une retraite anticipée, grâce au Compte Professionnel de Prévention (C2P), comme le montre l’encadré.

« Pas d’allongement pour les carrières longues » : FAUX

Les salariés en carrières longues sont touchés par l’augmentation de la durée de cotisation, plus rapide qu’avant (cf. page précédente).

Comme témoigne un salarié couvreur : “J’aurais dû arrêter ici à 60 ans. La réforme précédente m’a amené à faire plus, un an et un trimestre. Je suis en train de comprendre que les 61,3 [ans] vont devenir 62 ans”

« La France : la retraite la plus précoce d’Europe » : ÇA DÉPEND

Ça dépend de ce qu’on compare, si on compare l’âge théorique ou l’âge réel de départ en retraite. Comparons l’âge réel moyen de sortie du travail, en France c’est 62,3 ans pour les hommes et 62,2 pour les femmes, respectivement les âges moyens dans l’UE sont 63,3 ans et 62,4 ans (Source COR)… Donc la réforme nous fera passer sans doute au-dessus de la moyenne européenne.

Nous pouvons faire échouer ce projet néfaste ! Pour cela il faudra une mobilisation qui soit de grande ampleur et qui dure.

Ce serait aussi un coup d’arrêt à l’ensemble des mesures de régression sociale des dernières années : augmentation des salaires en dessous de l’inflation, détérioration du système de santé, baisse des droits au chômage, …

1 De plus le fonds de réserve des retraites est à plus de 26 milliards d’euros. Les réserves des retraites en tout est de 180 Mds d’euros.

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